Le démantèlement du soutien à la société civile en Espagne - nouvelle étude de l’institut Paz y Solidaridad

Instituto Paz y Solidaridad, l’institut de la Fundación Primero de Mayo a réalisé une étude sur les différents appels à propositions de l’AECID, où il est procédé à un examen des organisations qui ont obtenu des fonds et des secteurs auxquels ces fonds sont affectés ; le rapport propose en outre une série de pistes pour améliorer les instruments de soutien de la coopération espagnole aux organisations de la société civile et doter d’une transparence, d’une efficacité et d’une complémentarité accrues les ressources assignées par la coopération espagnole aux organisations non gouvernementales.

L’aide publique au développement espagnole représentait, en 2015, 0,13% du revenu national brut, un niveau atteint dans les années 80.

Les contributions obligatoires aux institutions multilatérales constituent 65% de cette APD,

Les fonds destinés aux Organisations de la société civile (OSC) ont connu une baisse de 71% au cours des 5 dernières années. Les fonds assignés dans le cadre des accords de l’AECID (Agence espagnole de coopération internationale pour le développement) aux organisations non gouvernementales pour le développement depuis 2016 s’élèvent à un total de 1.120.348 euros.

Le démantèlement du soutien à la société civile - Pistes pour la prise en compte de l’ensemble des acteurs qui composent la société civile dans les instruments de soutien de la coopération espagnole et leur mise à jour. L’étude est disponible ici (en esapgnol)

Portée et justification du Rapport

Dans son dernier rapport intitulé Aid Watch 2016 publié récemment, CONCORD a fait des révélations alarmantes sur l’évolution de l’Aide publique au développement (APD) au niveau européen et, plus particulièrement, en Espagne. L’Espagne se trouve dans une position de fragilité face au défi de l’application effective du nouveau Programme pour un développement durable à l’horizon 2030.

Dans ce contexte, on a cru opportun au sein de l’Instituto Paz y Solidaridad de la Fundación 1º de Mayo de la confédération syndicale CCOO de contribuer au débat à l’aide d’une analyse des données et des tendances relevées dans le domaine du financement de la société civile par la coopération espagnole et d’une série de propositions, afin d’atteindre une prévisibilité et une fiabilité accrues à la fois dans les instruments et les financements et, par-là même, améliorer la capacité d’incidence des Organisations de la société civile (OSC) dans la Coopération espagnole (CE).

Coopération espagnole et coopération syndicale

La coopération syndicale a été intégrée comme un autre des domaines où la CE a activement travaillé depuis les débuts de l’articulation du système. Les organisations syndicales ont une participation essentielle dans les domaines de la gouvernance dans les pays en développement et il est nécessaire de veiller à ce que cette participation soit institutionnalisée, tel que le préconise le Réseau syndical de coopération au développement de la Confédération syndicale internationale dans son document Le travail décent et le dialogue pour ne laisser personne pour compte. Position syndicale sur l’examen du Consensus européen pour le développement (septembre 2016).

La coopération syndicale a pour objectif de renforcer les syndicats dans leur rôle en tant qu’acteurs du développement, pour avancer vers des sociétés plus justes et équitables. La solidarité et les droits constituent les grands axes de l’identité de Paz y Solidaridad, organisation mise sur pied pour coopérer au développement économique et social des peuples, à la promotion des droits humains et la lutte contre la pauvreté, pour renforcer le syndicalisme de classe et démocratique et sensibiliser les travailleurs espagnols aux enjeux économiques, sociaux et du travail à niveau mondial, tout en encourageant leur participation aux actions de coopération internationale. Paz y Solidaridad œuvre depuis plus de 20 ans dans le domaine de la coopération internationale et couvre un éventail large de pays des continents africain, asiatique et américain.

Parmi les différents instruments de financement de la CE aux OSC figurent les « Accords », dont l’objectif conformément à la normative est défini comme suit : « Ils devront répondre à des stratégies à plus long terme et à plus fort impact ». Après de nombreuses années d’existence, une série de déviations ont pu être observées, dont notamment l’imposition excessive de contrôles rigoureux dans la gestion des subventions aux OSC, ce qui a entraîné, à terme, la perte de partenaires locaux ; ou encore les importants dysfonctionnements provoqués entre les organisations espagnoles par les grands déséquilibres en termes de leur financement.

Tendances dans l’évolution des fonds et des secteurs.

Depuis la mise en œuvre des accords, en 2006, les fonds assignés s’élèvent à un total de 1.120.348.487 euros répartis entre 4 appels à propositions, toutefois pas de manière uniforme. Au cours de ces appels à propositions, des ressources ont uniquement été allouées à la coopération syndicale en 2007, pour une valeur de 25 millions d’euros (10% des fonds correspondant à cet appel), et furent réparties entre les différentes organisations syndicales espagnoles.

Quant aux secteurs soutenus par la CE ces dernières années, on constate que le secteur des services sociaux essentiels a connu une croissance nettement plus marquée que les autres. Une tendance contraire s’observe dans les domaines de la gouvernance, du développement économique, de l’égalité hommes-femmes, du développement durable et culturel et l’éducation pour le développement (EPD), dont le poids est allé décroissant au cours de la même période.

À ce propos, il convient de relever que les OSC laïques au niveau national, y compris les organisations syndicales, mènent des actions dans les domaines de la gouvernance, du développement économique, des services sociaux essentiels et de l’égalité hommes-femmes. L’accent est ainsi mis sur des interventions à plus long terme et à plus forte adaptabilité, dans des secteurs qui impliquent des processus de changement, de construction du savoir-vivre et de sensibilisation. Ce sont aussi les OSC nationales et laïques qui tablent sur des initiatives dans le domaine de l’éducation pour le développement, qui visent à la construction d’un savoir-vivre fondé sur la responsabilité, la conscience et la solidarité au sein de la population espagnole. Conséquemment, la réduction drastique des fonds de coopération au développement en Espagne a affecté, en premier lieu, le tissu local. La vaste expérience accumulée dans les domaines de la gouvernance, du développement économique, de l’égalité des sexes et de l’EPD s’était convertie en l’un des signes distinctifs les plus notables et reconnus de la CE.

Face à un tel contexte, la nécessité d’un débat s’impose, débat dont les décideurs politiques devront tenir compte si la CE tient véritablement à s’aligner sur le nouveau Programme 2030.

Recommandations

Dans le dernier Examen par les pairs de la coopération pour le développement de l’Espagne de la CAD (Direction de la coopération pour le développement), une série de recommandations ont été formulées parmi lesquelles il convient de mettre en exergue :

  • « L’Espagne devrait simplifier les obligations de compte-rendu auxquelles sont soumises les ONG, tout en exigeant la présentation des résultats, afin de réduire les coûts de transaction et de ménager un équilibre entre redevabilité et apprentissage » (page 5).
  • « Les coupes budgétaires ont rendu impossible la publication de certains appels à propositions préalablement prévus, ce qui a eu pour effet de déstabiliser la complémentarité des instruments de financement, rendant celle-ci imprévisible, et ont affecté négativement la capacité de planification des organisations de la société civile » (pages 45-46).

Parmi les pistes relevées dans le rapport, l’attention est retenue par la proposition visant à intégrer sous forme d’un fonds unique les appels à propositions à l’intention des partis politiques et autres types d’organisations, en vue de la réalisation d’activités de coopération internationale au développement facilitant, par-là, la complémentarité et l’alignement des différentes interventions, tout en renforçant la transparence et l’efficacité des différentes organisations bénéficiaires de fonds publics.