Déclaration syndicale en réponse au Partenariat de Busan pour une Coopération Efficace au Service du Développement

Le Réseau syndical de coopération au développement (RSCD), qui rassemble des confédérations syndicales nationales du Sud comme du Nord, des organisations de soutien et de solidarité, les Fédérations syndicales internationales ainsi que des représentants des organisations régionales de la CSI et de la Commission syndicale consultative auprès de l’OCDE (TUAC), réuni à Florence du 12 au 14 décembre 2011, a pris acte du Document final de Busan (DFB) et de la proposition pour un Partenariat mondial pour une coopération efficace au service du développement.

Contexte géopolitique et de crise mondiale encadrant le débat.

1. Le 4e Forum de haut niveau (FHN-4) de Busan s’est tenu dans un environnement géopolitique nouveau, marqué par des crises internationales multiples et aigües, traitées dans le cadre de politiques néolibérales inefficaces et qui ne font que renforcer les inégalités.

2. De nouveaux acteurs ont contribué à façonner le Partenariat, notamment le secteur privé et les économies émergentes. Par ailleurs, de nouvelles modalités sont apparues : partenariats public/privé, coopération Sud-Sud et coopération triangulaire.

3. L’impact, le volume et les résultats de l’aide publique au développement (APD) diminuent. On constate que l’accent est de plus en plus mis sur le rôle de catalyseur de développement que l’APD devrait avoir dans les pays les moins avancés (PMA), les situations de fragilité et les sociétés à risque. Les pays à revenu intermédiaire sont de plus en plus exclus des objectifs et priorités pour l’APD, malgré la croissance des inégalités dans ces pays et la persistance de seuils de pauvreté élevés.

4. Bien que la décentralisation croissante consolide l’appropriation et la responsabilisation, elle comporte le risque de permettre aux États donateurs de se soustraire à leurs engagements et actions prévues en faveur d’objectifs communément acceptés tels que l‘engagement pour les pays développés de consacrer 0,7% de leur produit national brut à l’APD.

5. Les syndicats sont confrontés à de nombreux défis : accès réduit à l’APD dans les pays bailleurs de fonds, accès restreint ou inexistant aux ressources finançant la coopération et absence de reconnaissance des syndicats et de leur espace politique dans les pays du Sud. Il en résulte une menace qui pèse sur le soutien que peuvent recevoir globalement les syndicats, et sur leur rôle en tant qu’acteurs du développement.

Le partenariat mondial de Busan pour une coopération efficace au service du développement

6. Le Document final de Busan est une déclaration politique ouverte, résultat de la consultation de multiples parties prenantes au cours d’un processus participatif ayant inclus la société civile, et en son sein le mouvement syndical.

7. Nous nous félicitions de l’inclusion du travail décent, de la protection sociale, de la volonté déclarée de s’attaquer aux inégalités en tant qu’obstacles au développement, et de la promotion des engagements convenus au niveau international en matière de droits humains, d’égalité hommes/femmes, de personnes handicapées, de durabilité environnementale et de bonne gouvernance.

8. Nous prenons également acte de la confirmation du rôle des organisations de la société civile en tant qu’acteurs du développement à part entière, de la reconnaissance des principes d’Istanbul sur l’efficacité des organisations de la société civile (OSC) et de l’engagement à œuvrer, pour la société civile, à un environnement porteur fondé sur les droits.

9. Bien que le Forum de haut niveau soit parvenu à renforcer la légitimité et l’impact potentiel du Partenariat, les différents niveaux d’engagement et la nature non contraignante du DFB ont, en introduisant des contradictions parmi les orientations, réduit l’ambition générale et abouti à des intentions vagues et des engagements faibles pour le plan d’action post-Busan.

10. De même, les approches fondées sur les droits sont cantonnées dans un cadre national et aux engagements volontaires ce qui limite leur portée. Le fait que l’approche fondée sur les droits ne concerne dans le texte que les OSC est une régression claire par rapport au Programme d’action d’Accra et à d’autres engagements internationaux en faveur des approches fondées sur les droits.

11. Dans l’ensemble, le mouvement syndical ne saurait partager le modèle économique de développement sous-jacent dans le Partenariat, qui s’appuie presque exclusivement sur la croissance comme moteur de développement. Nous déplorons que le rôle de l’Etat soit limité à celui d’une entité qui autorise les politiques menées par le marché et le secteur privé. Nous déplorons également que la capacité d’entreprendre localement et durablement, l’économie sociale, la création d’emploi et les stratégies du secteur public ne fassent pas l’objet de plus d’attention. Nous regrettons que les engagements sur la transparence et l’anticorruption restent faibles et ont omis des éléments clefs tels que l’utilisation des paradis fiscaux.

12. Nous constatons aussi avec préoccupation que le Partenariat mondial ne précise pas le cadre dans lequel s’inscriraient des engagements efficaces et responsables du secteur privé, reposant sur les normes convenues au niveau international telles que les normes du travail de l’Organisation internationale du travail (OIT), les Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales ou les Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits humains.

13. Nous regrettons en particulier que le Partenariat ne reconnaisse pas les syndicats comme des acteurs clés à part entière et comme des partenaires sociaux dans le développement. Nous regrettons également l’omission d’inclure le dialogue social comme un instrument essentiel pour garantir l’intervention et les contributions du secteur privé dans la durabilité du développement.

Relever les défis de l’après-Busan

14. Le mouvement syndical international s’engage à prendre part au Partenariat, à sa gouvernance et à ses structures de travail au cours des processus mis en place dans l’après-Busan, notamment en vue d’influencer les engagements thématiques (« building blocks ») sur « le secteur privé », « les résultats et la responsabilité mutuelle » afin d’atteindre les ambitions du Préambule ainsi que tous les objectifs et les engagements communs du Partenariat. Il soutiendra activement la promotion des approches fondées sur les droits en matière de développement, et contribuera à la mise en place d’indicateurs appropriés sur le travail décent, la protection sociale, l’appropriation démocratique et d’autres cibles d’efficacité du développement ayant une pertinence sociale.

15. Le mouvement syndical international réaffirme son engagement envers un paradigme de développement alternatif fondé sur la justice sociale et sur la durabilité, par le biais de la lutte contre les inégalités, de la promotion de l’Agenda pour le travail décent, de la protection sociale et des emplois verts.

Firenze / Florence, le 14 décembre 2011.

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